
Depuis mon départ en France, j'avais l'impression que mes histoires avec la Belgique s'étaient définitivement clôturées. Mais on ne ferme jamais totalement la porte. Au fil de mon travail, j'ai constaté que je n'avais pas clôturé certaines choses, que le temps n'avait pas atteint certaines fidélités ou certains échecs. Tout était toujours pareil, et pourtant tout avait changé.

"La Belgique n'a enfanté que de Bruxelles"
Au moment de commencer son projet, la Belgique vient de rentrer dans la crise politique la plus longue de son histoire. Une occasion pour Frédéric Lecloux de se mettre à la recherche de sa belgitude.
La Belgique en était arrivée à occuper dans mon esprit moins de place qu'une négation. Tout juste un oubli, plutôt un refoulement. Accédant à l'état de question, ce fut celle-ci: cet ailleurs, ce territoire de Belgique, ce radeau prêt à rompre, est-ce encore bien un pays?

Et si finalement pour comprendre d'où l'on vient, il fallait penser l'ailleurs, là où s'arrête nos certitudes? C'est toute la démarche du livre de Frédéric Lecloux: un voyage de quatre ans pour interroger son identité, sans se voiler la face, en étant un étranger dans son propre pays.
Je voulais savoir si la Belgique intéressait encore quelqu'un. Car un pays, c'est qu'on en fait, et j'ai l'impression que ce pays devient de plus en plus une non-réponse pour beaucoup de personnes. Il y a beaucoup de choses que j'aime ici, mais au fil de mes séjours, j'ai quand-même rencontré des personnes très renfermées sur elles-mêmes. C'est sans doute dû à ce profond gaspillage autour de la question de l'identité qui fait que les communautés se séparent toujours plus, sans faire l'effort de se comprendre. Au fond, la Belgique n'a créé que Bruxelles, un mélange secret de deux cultures flamande et francophone qui s'ouvre à l'autre.

Redécouvrir
Brumes à venir, c'est un livre de tendresse, de colère aussi. Le fil qui traverse le livre de Frédéric Lecloux, c'est un curieux mélange de joie et de tristesse, une étrange mélancolie au fond que l'on retrouve tant dans les photos que dans les textes qui les accompagnent.
La Belgique n'est pas mélancolique, mais c'est ma manière de la voir, de l'appréhender à travers des histoires, celles des gens. Avant ce travail, la photographie était pour moi, un langage pour dire le monde, aujourd'hui, c'est plus que cela, la photographie est une possibilité pour être dans le monde. Ce fut pareil pour la Belgique: je suis parti de ce que je connaissais, mais en avançant dans ce voyage, je suis retombé sur des souvenirs, des interrogations laissées en suspens, des histoires considérées à tort comme closes. En me demandant ce qu'était ce pays, j'en suis venu à me demander, pourquoi l'avais-je quitté, et ce que j'y avais laissé.

"Brumes à venir", texte de Frédéric Lecloux, Le Bec en l'air