

Hier, mardi 26 février 2013, le procureur-général d'Anvers Yves Liégeois annonçait en grande pompe qu'une enquête judiciaire avait été ouverte sur son propre collègue: le procureur du Roi d'Anvers Herman Dams.
Pourquoi? Herman Dams a récemment admis qu'il avait été personnellement contacté le 6 janvier 2010 du cas particulier de Jonathan Jacob. Agité et sous l'emprise d'amphétamines au moment de son arrestation, quelqu'un a décidé d'envoyer une équipe policière spéciale dans la cellule du jeune homme pour lui administrer de force un calmant. Qui a pris cette décision finale? Tout le monde se rejette la balle, on cherche le(s) responsable(s).
Les tensions existantes entre Liégeois et Dams
Mais cette poursuite au sein même de l'univers judiciaire anversois rappelle les vives tensions qui existent entre les deux hommes. En janvier 2012 déjà, on vous expliquait comment Yves Liégeois avait fait perquisitionner le bureau du substitut du procureur Peter Van Calster, un protégé du procureur du Roi Herman Dams à présent poursuivi:
Le 5 janvier 2012, à la demande du procureur-général d'Anvers, Yves Liégeois, des perquisitions ont été opérées dans le bureau du substitut du procureur Peter Van Calster. Certains de ses collaborateurs, ainsi que des enquêteurs de la section criminalité économique et financière (Ecofin) de la police fédérale d'Anvers ont également reçu la visite d'enquêteurs.
Peter Van Calster est depuis 2005 en charge de tous les dossiers relatifs aux diamants, et représente le Ministère public lorsqu'il s'agit de traiter les grandes affaires de fraude polluant ce secteur. Et Yves Liégeois n'apprécie pas sa manière de procéder: alors qu'il verrait bien ces dossiers réglés via des compromis et des négociations avec les fraudeurs, Peter Van Calster défend l'idée de faire passer ces affaires au tribunal. Et ça ne plaît pas à tout le monde.

Négocier la fraude
Yves Liégeois veut régler la fraude à l'amiable, alors que Peter Van Calster veut que les diamantaires ouvrent généreusement les cordons de la bourse
Si des perquisitions ont été réalisées dans le bureau de Peter Van Calster, c'est qu'il est accusé de faux en écriture: il aurait en effet falsifié un procès-verbal dans un de ses dossiers. Lequel? Rien n'est certain. Mais il y aurait vraisemblablement un lien avec la liste de clients de la banque suisse HSBC que le Fisc et le parquet ont entre les mains depuis septembre 2010.
Cette liste comprend les noms de possibles fraudeurs, parmi lesquels de nombreux diamantaires anversois. Et depuis l'ouverture d'une enquête à son sujet, cette liste fait l'objet de tractations et de négociations de couloirs de la part des personnes incriminées.
Pour ces négociations, deux groupes d'hommes ont été amenés à se rencontrer. D'un côté, les avocats Axel Haelterman et Raf Verstraeten représentant l'Antwerp World Diamond Centre (AWDC). Et de l'autre, le procureur général Yves Liégeois, le premier avocat général Flor de Mond et un agent haut placé de l'Inspection spéciale des impôts. Peter Van Calster quant à lui, n'avait pas été convié à ces discussions.
La façon de traiter ce dossier du diamant oppose les deux hommes: Yves Liégeois aimerait voir cette affaire se régler à l'amiable, alors que Peter Van Calster ne veut accepter un compromis avec les diamantaires que s'ils ouvrent généreusement les cordons de la bourse. Et on ne parle pas de petites sommes dans cette affaire de fraude – HSBC : le montant dépasse le milliard d'euros
Le procureur général qui attaque
Cette perquisition inhabituelle peut être considérée comme une déclaration de guerre au substitut Peter Van Calster. D'autant plus que nombreux sont ceux à reconnaître son dynamisme, son efficacité et sa résistance aux pressions de toutes sortes. Pour beaucoup dans le secteur du diamant, Van Calster est un emmerdeur. Sentiment qu'apparemment partage le procureur général.
En octobre 2011, le procureur général Yves Liégeois s'est d'ailleurs directement plaint du comportement de Peter Van Calster au procureur anversois Herman Dams. Dans cette lettre qu'Apache s'est procuré, Yves Liégeois y laisse couler tout son mécontentement. Il commence ainsi:
Ma fonction est réellement inquiétée par la manière avec laquelle votre parquet – et dans ce cas précis Peter Van Calster – a l'intention d'aborder et de traiter la problématique du secteur des diamants

Plus loin dans ce courrier, le grand patron de la justice anversoise critique la gestion des dossiers HSBC et Monstrey, une autre affaire de fraude dans le secteur du diamant. Il conclut de manière cinglante:
Cela ne témoigne pas d'une démarche réfléchie, ni d'ailleurs d'un quelconque bon sens. De toute évidence, ceci résulte de l'entêtement irresponsable de votre substitut Peter Van Calster. Je vous demande de me faire savoir s'il est encore justifiable de laisser ce magistrat gâcher des enquêtes importantes.
Le substitut du procureur qui s'offense
En réaction, Peter Van Calster a défendu ses méthodes de travail et a réfuté les accusations:
Il est inquiétant de voir les caractéristiques et les termes peu flatteurs que le procureur général utilise à mon égard. Il n'existe aucun élément permettant de justifier le recours à des termes si offensants. En réalité, ceci témoigne d'un mépris pur et simple à l'égard des efforts efficaces, durables et réfléchis, réalisés des années durant et ayant mené à des résultats réels. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que le procureur général s'en prend à moi, à tort, et m'offense.
Tout semble donc permettre de croire que le procureur général cherche un moyen d'écarter le substitut Peter Van Calster des dossiers du diamant. Mais en janvier 2012, ce dernier jouissait toujours du soutien du procureur Herman Dams.
Une première version de cet article a été publiée sur Apache en janvier 2012. Nous l'avons actualisé et complété avec les déroulements récents dans le dossier du décès de Jonathan Jacob.