Apache en français baisse le rideau et vous dit "Au revoir"

Sylvain Malcorps
Un rideau métallique dans la nuit (Photo: Matt@Pek/ Avril 2010/ Flickr-CC)
Un rideau métallique dans la nuit (Photo: Matt@Pek/ Avril 2010/ Flickr-CC)
Un rideau métallique dans la nuit (Photo: Matt@Pek/ Avril 2010/ Flickr-CC)
Un rideau métallique dans la nuit (Photo: Matt@Pek/ Avril 2010/ Flickr-CC)

Je m'appelle Sylvain Malcorps. Grâce à la motivation de l'équipe originelle d'Apache.be, j'ai eu l'opportunité de construire et développer "Apache en français" sur le plan éditorial deux années durant. Comme souvent, cette aventure est née du hasard des idées: une immersion au sein de la rédaction anversoise d'Apache.be, l'envie de toucher les audiences du nord au sud du pays au travers de contenus journalistiques similaires, le désir d'une démarche citoyenne et entrepreneuriale différente.

Mais la force du réel rattrape toujours les plus clairs idéaux. Depuis les débuts d' "Apache en français", le volet flamand d'Apache.be a investi de nombreux fonds afin d'en assurer le développement. Et avec un coup-de-pouce financier de la Fédération Wallonie-Bruxelles en 2013, nous avions pu assurer une constance dans la publication de contenus inédits en français, dans la traduction d'articles, ainsi que fortifier les bases d'une identité singulière.

Prochains mois

Nous avions fait le choix temporaire de donner accès gratuitement aux articles francophones, avant d'activer un paywall déjà actif pour la partie flamande d'Apache.be. "Apache en français" reposant dès lors sur les revenus générés par les abonnements néerlandophones, il ne fallait que la défaillance de certains rouages pour en compromettre la pérennité.

Même si ce nombre d'abonnements dépasse aujourd'hui les 700 unités, ils ne suffisent pas à assurer le fonctionnement d'une plate-forme journalistique comme la nôtre. Face à cette réalité devenue tranchante fin 2013, l'équipe d'Apache.be a dû opérer deux choix d'avenir importants.

Le premier, se pencher méticuleusement sur une adaptation du business plan de 3 ans, de recalculer le montant financier et le nombre d'abonnements nécessaires afin qu'Apache.be puisse fonctionner en toute indépendance. Afin de concrétiser ce plan, l'équipe rédactionnelle s'apprête à rencontrer divers experts. Si cela fonctionne, la machine pourra être lancée.

Le second, celui de mettre "Apache en français" entre parenthèses, en stand-by, dans le but de le réactiver si cette stratégie atteint ses objectifs. Car l'expérience nous a prouvé les avantages économiques et journalistiques d'une telle démarche bilingue en Belgique.

Apache.be logo
tunnelplaats

Enseignements

Votre audience devra occuper une place centrale dans la stratégie de développement de votre projet

Trop ambitieux, plus journalistes que stratèges, nous avons péché d'omission et commis diverses erreurs. Mais je sors de cette aventure avec de nombreux enseignements, qui peuvent apparaître d'une évidence crasse pour beaucoup, mais que seul l'expérience pouvait me graver à l'esprit.

S'il vous prend un jour l'envie de lancer un projet journalistique durable sur les internets, pensez d'abord à votre modèle économique. "De quelle manière vais-je générer suffisamment d'argent que pour me permettre de financer mon activité?". Qu'il soit sérieux, réaliste; aguichez-vous d'un bon comptable et écoutez les conseils de vos amis entrepreneurs. Et pas de recette miracle: chaque modèle (payant, gratuit, hybride, et tous ceux dont j'ignore l'existence) a ses avantages et ses inconvénients. Le meilleur deal étant d'opter pour celui qui rencontre au mieux vos ambitions éditoriales.

Votre projet éditorial devra avoir une identité forte. Mais surtout, il sera essentiel de placer votre audience au centre même de ce projet: produire des contenus avec et pour ceux qui vous consultent. Si les industriels opèrent de la sorte depuis longtemps, je ne prends que tardivement conscience de l'importance d'analyser le comportement du consommateur sur une plate-forme d'information. Qui est votre audience? Quels types de contenus sont privilégiés? Avec quelles thématiques et quels angles? Divers services sur Internet permettent un monitoring constant de ces données.

Adapter son offre éditoriale à son audience n'a rien de dégradant, bien au contraire. L'enjeu réside bien plus dans la manière avec laquelle cette adaptation s'opère: si les contenus touchant au sexe, au pathos, à l'argent ou au sport attirent la consultation, leur publication ne relèvent pas de la fatalité mais d'un choix éditorial. Rien n'oblige à racler les tiroirs, et c'est ici que la démarche journalistique peut faire la différence en offrant un contenu de qualité adapté à son public. Mais aussi en créant des tendances, en lui proposant des choses inattendues qu'il pourrait apprécier.

Enfin, entourez-vous de gens d'expérience. Pas uniquement pour la plus-value professionnelle que cela apporte, mais aussi pour les réseaux de contacts qu'ils sont capables de mobiliser afin de concrétiser et pérenniser vos aspirations.

Si ces divers éléments n'assurent en rien la réussite automatique de votre projet, je pense sincèrement qu'ils y contribueront fortement.

Développer, plutôt que gaver

Que de "l'aide à la presse", on passe à un "coup-de-pouce" transparent visant la richesse de l'information

Une chercheuse espagnole me demandait récemment pourquoi la plupart des start-up journalistiques belges sur Internet se développaient en Flandre. NewsMonkey, De Wereld Morgen, Stamp Media, Apache.be, etc. : si les modèles et les ambitions sont divers, je n'ai pu dénier son constat. Et les arguments classiques évoquant la singularité d'un marché belge linguistiquement éclaté, dont la part francophone est fortement tournée vers les productions françaises, n'expliquent pas tout.

A l'image de la Flandre, et à l'exception du service public RTBF, la Belgique francophone se dirige vers un paysage médiatique dirigé par deux grands groupes: Rossel et un rapprochement IPM – Tecteo, gavés aux aides publiques. Et hormis la parution de quelques périodiques non-rattachés à ces entités, la pluralité de notre offre informationnelle se limite à cela.

Pourtant, en parallèle à cette sclérose médiatique, nombreux sont ceux à vouloir changer la donne et à tenter de nouvelles choses. Sont-ils assez encadrés, soutenus, guidés dans leur démarche entrepreneuriale? Je fais partie de ceux qui pensent que non et que justement, l'argent (du) public destiné au secteur des médias devrait plus largement soutenir le lancement d'activités pérennes dans une optique pluraliste; quitte à se planter. Que de "l'aide à la presse", on passe à un "coup-de-pouce" transparent visant la richesse de l'information.

Dans cet esprit, les archives d'"Apache en français" resteront accessibles gratuitement en ligne. Et en attendant de nouvelles aventures, je me ferais un plaisir de vous retrouver sur Twitter (@SylMalcorps), LinkedIn ou même Tumblr.

Auf wiedersehen!

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