Frédéric Cauderlier, de RTL-TVI à la communication du MR

Pierre Jassogne
Frédéric Cauderlier (Photo: auteur non connu, mai 2012)
Frédéric Cauderlier (Photo: auteur non connu, mai 2012)

Pour rappel, lorsqu'il animait le plateau de l'émission politique de RTL-TVI, Frédéric Cauderlier journaliste, ça donnait cela:

"On va me coller une étiquette politique jusque dans le restant de mes jours"

"Je n'avais jamais imaginé que je serais un jour porte-parole dans un parti politique. C'est vrai que je me posais depuis deux, trois ans des questions par rapport à mon métier à RTL. J'estimais que je tournais en rond et que les perspectives d'avenir ne me semblaient pas exceptionnelles. L'autre aspect, j'ai toujours été passionné par deux choses, le journalisme et la communication politique. Quand j'étais à RTL, j'étais journaliste politique. Sur la fin, j'ai même recentré mon activité journalistique sur l'analyse de la communication politique avec l'émission "Sans langue de bois". Finalement, le fait de devenir porte-parole est une suite logique dans mon parcours, avec cette curiosité de voir l'autre aspect des choses dans un parti politique.

Puis le reste, c'est le hasard. Charles Michel est devenu président du MR, il m'a contacté, on en a énormément discuté. Mais il faut l'admettre: ce n'est pas un passage évident car après cela, on va me coller une étiquette politique jusqu'au restant de mes jours, même si je n'ai pas de carte de parti. Mon métier, c'est d'être spécialiste de la communication du MR, sans être pour autant un mandataire politique."

"Je ne sais pas si j'aurais pu rejoindre un autre parti"

"Quand on est porte-parole, on doit être en accointance avec le parti politique qu'on représente. Cela ne m'empêche pas de ne pas être d'accord avec toutes les décisions du MR. Quand j'étais journaliste, on m'a souvent proposé de rejoindre des cabinets ministériels, mais cela ne me disait pas. Devenir porte-parole d'un président de parti, cela me motivait davantage, c'était lié aux défis du moment pour le MR et à la personne de Charles Michel.

En 2007, le MR était le premier parti francophone, puis il s'est retrouvé en grande difficulté. Puis, il y avait la volonté de Charles Michel de réorienter le MR. Il y a deux ans d'ici, c'était un parti qui n'avait pas une bonne image, c'était un parti décrié tant dans l'opinion publique que dans les médias. Donc les défis étaient important pour moi. Je ne suis pas sûr que je serais parti de la rédaction de RTL pour aller dans un parti qui, sans rien faire, fait des scores extraordinaires."

Communication de crise et agenda sans cesse bousculé

Pendant des semaines, lors du divorce MR-FDF, on a été dans de la communication de crise

"Le monde politique est un monde qui vit avec ses codes et on a beau comme journaliste le côtoyer en permanence, je pense que tant qu'on n'est pas dedans, on ne peut pas avoir une vue exhaustive de la vie politique. Comme journaliste, je pensais que tout était millimétré, tout était orchestré dans la communication politique. Mais ce n'est pas vrai! Il se passe des choses qu'un porte-parole ne soupçonne pas quand on se lève le matin.

La grande difficulté, c'est qu'on est confronté comme porte-parole à de la communication de crise parce que les journalistes nous appellent rarement pour vous annoncer une bonne nouvelle, c'est plutôt quand il y a des polémiques où il faut réagir dans la seconde. Par exemple, je n'aurais jamais imaginé une seconde le divorce du MR avec le FDF, et même Charles Michel n'aurait pas pu l'imaginer. Pendant des semaines, on a été dans de la communication de crise. Donc l'agenda est sans cesse bousculé, tout évolue si vite, 24 heures, c'est énorme, on travaille plus dans une forme d'improvisation."

Frédéric Cauderlier (Photo: auteur non connu, mai 2012)
Frédéric Cauderlier (Photo: auteur non connu, mai 2012)

RTL = MR, RTBF = PS ?

"Cette image collée à la chaîne privée m'a toujours énervé. Paul Magnette (PS) a joué sur cette image en parlant de "MRTL". Cela a plu à l'univers médiatico-politique qui aime bien cracher sur cette chaîne. Je suis persuadé que le public ne fait cette association entre le MR et RTL. En dix ans de métier à RTL, l'indépendance a toujours été totale, et le seul parti avec lequel j'ai eu des difficultés comme journaliste politique, ce n'était pas le MR. Puis d'autres journalistes de la chaîne sont partis travailler pour les autres partis, Ecolo, PS ou cdH, car l'un dans l'autre, dans chaque rédaction, il y a une connivence naturelle entre les journalistes et les politiques.

On peut dire la même de la RTBF. Le raisonnement que je tiens pour mon ancien employeur, je le tiens aussi pour le service public: ce n'est pas la chaîne du PS. D'ailleurs, si on regarde la grille éditoriale des journaux, le JT le plus regardé par les électeurs socialistes, c'est celui de RTL parce que c'est une chaîne populaire, qui joue un peu sur les peurs, tandis que le JT de la RTBF, plus intellectuel, plus scolarisant, c'est au fond plus l'électorat du MR. Selon moi, ce qui peut expliquer une collusion entre les médias et les politiques, c'est quand un porte-parole retourne dans sa rédaction et redevient du jour au lendemain journaliste politique au bout de trois ou six mois comme si de rien n'était."

A l'heure du buzz et des rédactions "low cost"

Il y a une grande difficulté d'être journaliste aujourd'hui et de plus en plus, les rédactions sont des rédactions "low cost"

"Je crois que c'est important qu'un porte-parole soit un ancien journaliste car il comprend mieux qu'un autre les besoins des journalistes. D'un autre côté, le journaliste ne comprend pas les difficultés du communicateur, en réclamant une réaction dans les quinze secondes. Ce n'est pas toujours faisable, pas parce qu'on n'a pas d'idée, mais viennent se poser des questions de disponibilité, et puis, avant de prendre une position ou de réagir, il est sain d'attendre.

Car ce que je constate, il y a une grande difficulté d'être journaliste aujourd'hui. De plus en plus, les rédactions sont des rédactions "low cost". Je suis surpris de la paupérisation et de la grande précarité du métier où les journalistes sont amenés à faire, pour des raisons alimentaires, le petit buzz, le petit coup médiatique, le petit truc amusant qui tue totalement l'information et le journalisme.

Cette attitude-là est risquée car on va en revenir à une forme de communication très institutionnalisée, très quadrillée. Ensuite, du côté du monde politique, cela entraîne une grande méfiance puisque les journalistes sont à la recherche de petit mot. Il est devenu dangereux de faire du off, de l'humour, de laisser la caméra tourner en permanence. C'est un phénomène qui m'inquiète vraiment."

LEES OOK
Pierre Jassogne / 30-10-2012

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